Une réévaluation est toujours un exercice stimulant, car après des années à avoir lu les mêmes critiques, les mêmes jugements et finalement les mêmes conclusions (pourtant démenties par les chiffres du box office), confronter en toute objectivité sa vision à l’objet réel (la saga Transformers) relève du devoir moral (et masochiste devant la durée en constante surenchère des différents épisodes). Après un premier essai dont je n’avais pas entendu énormément parlé, Transformers 2 implante définitivement le phénomène dans le paysage cinématographique, plantant les polémiques (films de destruction massive, immaturité latente, enjeux régressifs, polissage des insignes de l’armée…) et le style Big Bay. Le 3 en est une petite consécration, ménageant la formule classique pendant une heure et demie avant d’exploser dans une surenchère bien sérieuse qui offre son lot de divertissement. Une saga dont on a sans doute un peu exagéré la réputation naveteuse (par endroits). Puis vient le quatrième qui fait déborder le vase.
Transformers : autant affirmer d’emblée qu’on a là le plus sobre opus de la saga, en termes de style (Michael Bay, cet homme de goût…). Le réal est avant tout conscient d’aborder un nouvel univers (à part Terminator, quel divertissement d’action notable avec des robots peut prétendre avoir diverti le grand public ? Virus ?), avec la matière nécessaire pour un gros blockbuster d’action bien épais. C’est l’occasion de créer quelque chose de nouveau, et l’occasion pour Bay de ressortir ses chevaux de bataille comme l’armée ou l’humour régressif (de beaux exemples dans Armageddon). Hélas, il y a dans ce premier opus les faiblesses que nous retrouverons par la suite, en moins grande quantité. On commence par le scénario lacunaire, qui avant de raconter quelque chose, essaye d’assurer tant bien que mal la cohésion de l’ensemble des éléments qui composent le film. Comme la moutarde dans la vinaigrette. Mais ici, il devient vite évident que les vignettes abordées par la narration (l’ado pas très dégourdi campé par Labeouf, les intrigues impliquant les militaires, le piratage de Air Force One…) n’ont en commun qu’une paire de lunettes sur lesquelles seraient inscrites les coordonnées du point d’enterrement de Megatron, qu’on nous vend comme la nouvelle Nemesis humaine. Plutôt mince, comme liant, mais les scènes d’action ont l’avantage, à quelques petits faux raccords près, d’assurer un peu de divertissement ça et là. Transformers premier du nom est peut être un peu moins riche en action que ses successeurs, il n’en reste pas moins le plus foutraque, variant constamment les lieux de tournage pour garder un rythme qui ne doit pas mollir. Si la découverte des robots par notre héros tarde un peu (une heure montre en main), le reste du film les dévoile largement, se préoccupant davantage de l’ampleur des apparitions plutôt que de leur cohérence (des robots qui apparaissent au combat ou en action, sans qu’on sache particulièrement d’où ils proviennent). Restent de nombreux affrontements qui font grincer les rouages, et qui bénéficient d’une petite ampleur quand le montage laisse aux plans le temps de montrer l’action. Reste que cet opus est le plus léger, notamment sur un point qui handicape continuellement Michael : l’humour. Incapable de la moindre finesse (au mieux, réduit au minimum sur The Rock, douloureusement étendu sur Armageddon), il est ici relativement peu envahissant, et finalement, passe avec l’ensemble, sans se révéler particulièrement notable. Le problème essentiel de Transformers reste sa grande limitation en termes d’implication de son public. Impossible de s’identifier (ou alors de loin) aux personnages du film, qu’ils soient sérieux ou non, et donc de rentrer pleinement dans la récré promise. La personnalité des différents robots étant elle aussi manichéenne au possible, l’identification n’y sera pas davantage développée, l’implication restant elle aussi limitée à ce niveau (un comble vu qu’ils sont les principales attractions promises). Mais même en affichant ces évidentes limites, Transformers reste un blockbuster inoffensif, faisant un gentil salut aux Marines et dégainant la marchandise sans se révéler plus malin que ses promesses. Un cru dont on a sans doute exagéré un peu la calamiteuse réputation.
2007
de Michael Bay
avec Shia LaBeouf, Megan Fox
2,5/6
Transformers 2, la revanche du Fallen : Incontestablement le plus exubérant opus de la saga, et malheureusement pour lui, le plus mauvais. Un des plus gros problèmes du film réside dans les arcanes même de son scénario. Transformers 1 a tellement montré de chose que cette suite est en quelque sorte un remake, qui augmente un peu les curseurs d’effets spéciaux pour garantir la surenchère. Las, si les effets sont effectivement plus impressionnants (avec un gros robot final), toutes les véroles qui gangrénaient déjà le premier essai connaissent un développement conséquent, qui ne parvient même plus à cacher la médiocrité intrinsèque de son auteur. On aura beau se répéter que les scénaristes sont en grèves (et ils avaient raison sur le fond, en regardant les films aujourd’hui, on se demande si certains réalisateurs n’oublient pas d’en embaucher sur leurs projets), pas grand-chose à sauver dans cette débâcle où, à la place du cube, nous avons notre étudiant qui a emmagasiné tout le savoir des autobots, prétexte à une série de gags plus lourdauds les uns que les autres. Si la débilité de certaines situations prête encore à sourire, la plupart se révèlent complètement inefficaces, et l’aplomb avec lequel ils sont enchaînés n’aide pas vraiment à relativiser. Si le premier transformers était loin d’être sérieux, celui-ci le devient (et le troisième le sera encore plus), et tend davantage vers le navet peu sympathique. Malgré quelques petites idées amusantes (le robot ultra fin…), le quota de divertissement peine à rendre l’ensemble digeste (on atteint quand même l’indécente durée de deux heures et demie). Question médiocrité, on s’en prend une belle couche, les parents de Sam sont insupportables à chacune de leurs apparitions, mention spéciale pour l’épisode au pays des fromages qui puent avec des escargots à l’ail qu’on nous crache à la figure. Question enjeux, c’est le savoir des autobots qu’il faut donc préserver tout en recherchant la clé permettant d’activer une grosse machine prévue pour nous pomper le soleil (spoiler, au fait). Et le manque de subtilité notable de l’ensemble (la destruction donne de meilleurs résultats que les fouilles archéologiques ou les tripatouillages de geeks) contribue à la lourdeur du rouleau compresseur Transformers 2. Michael Bay salue davantage l’armée en lui laissant le soin d’abattre le gros monstre et en la filmant rodée comme une horloge, déclenchant un sourire gentiment ironique (qui n’a jamais ressenti l’appel du drapeau ?), mais bon, on reste au dessus de Battle Los Angeles (et ses petits mexicains qui saluent le drapeau avec la casquette du major sur trompettes triomphantes). Reste donc une grosse machine, qui répète le précédent succès en augmentant un peu la cadence et le quota de bruit. Pour le reste, une bonne tranche de bay.
2009
de Michael Bay
avec Shia LaBeouf, Megan Fox
1/6
Transformers 3, la face cachée de la lune : les anachronismes historiques, ça fait fureur dans le domaine des gros budgets. Depuis Watchmen, quelques travaux notables ont tenté d’utiliser la formule, à commencer par X men first class. Ce genre de détail, ça paye (et en mettant Tchernobyl sur le dos des russes, tout le monde est content). Nous commençons donc avec un flash back pyrotechnique impressionnant qui pose les bases de ce nouvel opus, qu’on nous annonce comme le poids lourd de la saga. Et dans la logique d’un Transformers, le bilan est plutôt atteint. Si la vulgarité de Bay s’étale complaisamment pendant une heure et demie, en se focalisant sur des enjeux ineptes (Shia va-t-il réussir à distribuer le courrier en échappant au chinois gay friendly de son étage ? Sa petite copine va-t-elle céder aux avances fallacieuses de son patron ?), les quelques petites séquences d’action préliminaires qui ponctuent le récit conserve une bribe d’attention du spectateur, puisque les grosses scènes d’explosions sont la magie de la saga. Toutefois, si on peut reconnaitre que ce film n’est pas un remake de son prédécesseur, les enjeux humains restent au plancher des vaches, sans surprise mais hélas aussi sans amusement de notre part. Il faut attendre pour que le spectacle décolle une heure et demie et de longues discussions nous annonçant déjà qui sera gentil ou méchant, une sympathique scène d’action du l’autoroute et quelques rebondissements (dont quand même un gros un peu voyant) avant de lancer le corps complet de l’intrigue. A partir de là, le budget explose et Bay fait enfin ce qu’il sait faire, avec un budget qui lui permet des excentricités aussi marrantes que la séquence du building et le largage des soldats en parachutes (défiant les lois de la gravité, ils remontent régulièrement de plusieurs centaines de mètres entre les prises). On peut toutefois relever une meilleure caractérisation des robots (on les voit un peu plus) ainsi qu’une lisibilité plaisante dans l’action. Et une fois la menace balayée, on peut enfin jouer au jeu d’où est planqué le drapeau américain du dernier plan, qui malgré les éclats d’obus flotte toujours au vent. Etrange, cette suite n’a pas grand-chose dans le ventre pour permettre une analyse, mais se révèle plutôt riche en séquences d’action, autorisant un visionnage en mode ludique-paquet de chips. Du consommable pas vraiment croustillant mais qui tient le cahier des charges.
2011
de Michael Bay
avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington-Whiteley
2,5/6
Transformers 4, l’âge de l’extinction : Oui, je suis bien allé le voir en avant première avec des amis, et pour tout dire, je pensais qu’il ferait salle comble, ce qui n’était pas le cas. A nouvelle trilogie, nouveaux protagonistes humains, nouveaux designs des robots (mais toujours des chevrolets pour Bumble Bee), nouveaux robots, et nouvelles catégories de transformers plus gros, plus balèzes, et qui peuvent même se changer en dinosaures. Si avec ça, les gamins ne font pas de caprices pour tous en avoir un d’ici la rentrée… J’avais un peu oublié quel effet ça faisait de voir un film de Michael Bay (c’était la première fois que j’en voyais un au cinéma), la réponse est comparable à une glace de 5 kilos parfum vanille noix de pécan-spéculos-nutella-caramel beurre salé. C’est too much du début à la fin, comme si c’était un gosse qui ne savait jamais où s’arrêter qui avait écrit le script. Aucun des problèmes inhérent au rythme de la saga ne nous est épargné (on sent toujours passer les deux heures et demie parce que les enjeux sont abominablement mal définis, qu’il n’y a aucun sens du climax et du dosage, qu’on a à chaque moment l’impression d’assister à la fin du film alors qu’il ne s’agit que d’un rebondissement supplémentaire). Contrairement au troisième épisode qui était bâti de façon à conserver un maximum d’action pour la dernière heure (qui offrait, disons le, de belles séquences), celui-ci enchaîne les révélations à vitesse grand V, ainsi que les séquences d’action toujours filmées en mode Michael Bay (c’était beaucoup trop espérer qu’il s’améliore après No Pain no gain). Ici l’intrigue tourne autour d’une famille avec un ingénieur texan sans doctorat (parce qu’il ne travaille pas dans un laboratoire blanc high tech) et de sa fille, une bombasse étudiante qui s’entiche d’un pilote de rallye irlandais (qui est réglo, il a signé avec Red Bull). Des personnages stéréotypés au possible néanmoins un peu moins agaçants que les cabotinages de Witwiki et de ses parents (dans un éclair de lucidité, Bay tuera le personnage secondaire relou qui polluait son introduction seulement une trentaine de minutes après le début du film). Comme nous l’annonçait le trailer, l’ingénieur réveille Optimus Prime, et se met à dos la CIA qui collabore avec d’étranges transformers chasseurs de prime, qui prétendent conserver l’équilibre dans l’univers (c’est amusant, c’est typique le genre de rôle donné aux blacks dans les grosses productions, et ce robot est noir en ayant la voix de… Denzel Washington). L’intrigue se lance, les derniers autobots se regroupent, lancent quelques vannes (« oh mon gros cul est coincé ! ») et se mettent à chercher pourquoi on en est là. On découvre alors que la CIA utilise des drônes qui volent avec une hélice en axe vertical (autant essayer de faire voler un sèche cheveux), que les grosses industries produisent des transformers indestructibles sur la base des connaissance de Mégatron, et que tout ce petit monde ne se doute pas de ce qui l’attends. On avait commencé par l’extermination des dinosaures via les créateurs, inutile de faire les étonnés ! Bref, je passe sur les rebondissements, ils sont aussi inconséquents qu’exaspérants à énumérer. Au moins 5 ou 6 enjeux principaux, des tas de robots secondaires à se rappeler, une délocalisation en chine… De ce beau bordel, on retiendra deux choses : le seul passage sympathique du film pendant lequel nos héros déambulent dans le vaisseau de Mister Black, joli décors enfumé et seul climax que je trouve digne d’intérêt. On retiendra aussi la dantesque scène d’action asiatique (celle où on voyait voler un bateau dans le trailer) pendant laquelle le vaisseau méchant terraforme… pardon, utilise un gros aimant qui fait monter et descendre les trucs en métal pour casser les couilles aux autobots. Rien à voir avec Man of steel, c’est une coïncidence. Bref, alors que les nouveaux décepticons sont indestructibles, ils se font battre, le nouveau Megatron alias Gigatron fait de la figuration, et la conclusion dure 4 minutes montre en main. Bref, même si y a eu quelques explosions et pas mal de morts un peu partout, cet opus est moins impressionnant que son prédécesseur, et c’est pas parce qu’il y a des dinosaures robots qu’on va être plus clément.
2014
de Michael Bay
avec Mark Wahlberg, Stanley Tucci
1,5/6